Des nouvelles et les messages d'Eric

Merlin le 13/09/2024

L'équateur a été franchi hier à 19h04 TU par 21°53'12W. Je navigue maintenant la tête en bas. J'ai invité Mr Équateur a partager mon repas, mais il a refusé sous prétexte qu'il devait garder sa ligne.
Pas d'agapes particuliers pour ce 7 ème passage, j'ai juste fait des nouilles.
Bonne journée.

Merlin le 14/09/2024

Je me suis plaind, il y a qques jours, de ne plus voir de poissons volants. Ce matin, j'en trouve 18 sur le pont. Toute une escadrille. De mémoire de marin, on avait pas vu ça depuis Pearl Harbour, Je dirais même plus, on n'a pas vu autant d'exocets sur un pont depuis la guerre des Malouines. Dommage que je ne puisse pas envoyer de photos. En attendant, mon repas de midi est assuré.
On m'avait vendu les alizés comme des vents portants, comme des vacances, quoi !
Je crois que je me suis fait avoir, naïf que je suis. À les remonter avec 3 ris dans la gv, ça penche et ça tape ! Par contre, le bateau ne mouille pas. Je pense aux copains sur leur Contessa qui doivent se faire doucher. En revanche, ils font assurément un
meilleur cap que moi.
Au 34e jour de navigation, tout va bien.

Merlin le 15/09/2024

J'ai constaté hier d'une usure prématurée des bosses du régulateur d'allure à cause, je pense, du trop petit diamètre des poulies. Passé 2 heures à la cape ce matin pour changer les bosses et les poulies incriminées. Évidemment pour éviter les ragages dûs aux plus grandes poulies, il a fallu modifier le circuit. Tout est rentré dans l'ordre et j'ai pu remettre en route.
Grâce aux nouvelles poulies, tout roule et c'est reparti pour de nouvelles aventures.

Merlin le 17/09/2024

Si je tenais la personne qui a inventé le prés, elle passerait un sale 1/4 d'heure. Elle ne devait vraiment pas aimer le vie.
Voilà plus de 10 jours à vivre penché, à retenir chaque objet obéissant a l'attraction terrestre alors que nous sommes en mer. Et ne parlons pas de la moyenne journalière qui s'en ressent. Elle est de 4,06 nds depuis le 1er septembre, donc ces 17 derniers jours, pot au noir compris. Je vise minimum 5 nds par 24h, il va y avoir du boulot pour rattraper tout ça. Mais Merlin est un bateau plus à l'aise au portant qu'au prés, donc, je ne me fais pas de souci, la foulée s'allongera plus au sud, et les 5 nds et même plus seront tenus sans problème.

Merlin le 18/09/2024

Temps à grains toute la journée d'hier et cette nuit, à prendre des ris, à les relâcher, à réduire le génois toute mâture vibrante, puis à le renvoyer. Alors dans la nuit, j'ai fait comme les honnêtes gens, je me suis allongé sur ma banette, bien calé à la gîte et je suis resté sous-toilé. La vitesse s'en est ressentie, mais le bien-être aussi. Ce matin, dés potron-miné j'ai renvoyé de la toile. Il y a une limite à toute paresse, quand même.
Le chemin continue, cahin-caha, à taper dans la vague. La chaleur devient déjà suffocante. Comme tous les matins depuis le départ, à quelques exceptions près, je vais sortir la sulfateuse, entendez par là le dessalinisateur manuel, pour pomper mes 4 litres d'eau journaliers. Cela me prend entre 1h et 1h30. J'avoue que c'est une corvée.
Rien n'est parfait en ce bas monde.

Merlin le 22/09/2024

J'ai renoncé à poursuivre la LR il y a 3 jours.
Lorsque j'ai attaqué les alizés de SE au prés, je me suis rendu compte que le bateau tapait bcp dans la vague. Je l'avais déjà remarqué, mais j'avais alors 60m de chaîne de 10 dans le puits et une ancre de 25 kg dans le davier soit + de 160 kg, sans compter les voiles. Avant de partir j'avais remisé la chaîne et l'ancre dans les fonds. Dans les alizés, donc, le bateau tapait toujours au près serré. Là, j'ai compris que c'était à cause du poids du mât que je savais plus lourd que ce que préconisait le plan de voilure. Et d'après moi, c'est dû à l'inertie du mât lorsque le bateau tape la vague. Je peux me tromper, bien-sûr, néanmoins je crains que la stabilité du bateau ne soit compromise dans le gros mauvais temps que je ne manquerai pas de rencontrer dans le grand sud. Notamment si le bateau venait à dépasser un certain angle de gîte et se retourner, je doute qu'il revienne à l'endroit. Il m'a fallut cela pour m'en rendre compte et surtout en prendre conscience, malheureusement trop tard.
Je prépare la LR depuis près de 2 ans et durant ce temps, je lui ai tout consacrée. C'est un sacré coup dur et il me faut maintenant aller vers l'acceptation.
À part ça, le bateau dans les alizés me donne toute satisfaction, c'est un très bon bateau, stable de route, très agréable, et très facile à manœuvrer en solitaire, quoique parfois un peu rouleur. Je lui garde toute ma confiance.
Je fais route vers Jacaré au Brésil que je devrais atteindre demain. Puis ce sera un retour pépère sur la Bretagne.

Évidemment, tout est matière à critique (et je sais qu'il y en aura de la part de certains qui n'ont rien fait de leur vie durant ce temps), mais j'aurai malgré tout vécu une très belle aventure avec la rencontre de gens rares.
Et Ça c'est précieux.

Merlin le 24/09/2024

Bonjour, il y a 2 jours, le 23, je faisais route sur Jacaré au Brésil. À 24h d'y arriver, j'ai modifié mon cap pour descendre plus au sud vers Salvador. Et ce matin, alors que j'étais a moins de 200 milles de Salvador, j'ai à nouveau fait demi-tour pour repartir vers le nord. À vrai dire, ça m'arrange car je ne suis pas encore prêt à faire escale, je suis bien en mer. Je me dirige vers les rochers de St Pierre et St Paul situés à 1° au nord de l'équateur distants de plus de 800 milles de ma position et situés en zone de calmes équatoriaux. Je compte en faire le tour avant de rejoindre la Guyane.

Merlin le 29/09/2024

Bonjour à tous,
Je suis arrivé à Jacaré vendredi. Je ne vais pas revenir sur le problème du poids de mon mât. Est-cela qui faisait taper le bateau ou pas ? Sincèrement je ne le sais pas, c'est juste ma déduction. Bien évidemment, lorsque j'ai acheté le bateau, j'ignorais ce problème. Lors du démâtage de Merlin à Folleux, la grue a pesé le bateau à plus de 12 tonnes avec les réservoirs d'eau vides. J'ai gentiment chambré Antoine que le peson de sa grue était foireux, surtout lorsque qu'il à pesé le mât à plus de 500kg (si tu me lis, pardon Antoine). Un mois avant le départ, j'ai à nouveau mis le bateau au sec pour l'antifouling, et là le poids du bateau m'a été confirmé. Sur les plans que je possède, Caroff préconise de ne pas dépasser 10t. Je savais qu'avec l'avitaillement et les pleins d'eau, je lui rajouterais pas loin d'1t supplémentaire. Ce n'est pas ce qui m'inquiétait le plus, car je savais que le bateau s'allègerait au fur et à mesure. Par contre, le poids dans les hauts était plus préoccupant, car la courbe de stabilité est annoncée à 127,5° par Caroff. Là, je pense qu'elle devait être sacrément redescendue et ma crainte dans le grand sud était, alors que le moment de chavirage s'en trouvait diminué, que si le bateau venait à se mettre à l'envers, il risquait de ne pas revenir à l'endroit. C'était un risque à courir, mais petit joueur que je suis, je n'ai pas osé le prendre.
Moitessier a abandonné la LR pour sauver son âme, moi pour peut-être sauver ma peau.
Évidemment, une telle décision après presque 2 ans de préparation est difficile à prendre et même si je n'aurais peut-être pas été plus loin que Bonne Espérance car on ne peut rien prévoir d'avance, ce renoncement a eu du mal à passer. Pousser jusqu'à Bonne Espérance était prendre le risque d'un fort coup de vent du côté de Tristan da Cunha.
Ma première idée a été de faire escale à Jacaré au Brésil, mais j'étais très bien en mer et je n'avais pas envie de m'arrêter. J'ai donc fait demi-tour en me disant que j'allais pousser sur Salvador pour prolonger un peu, mais à moins de 200 milles, je me suis demandé ce que j'allais y faire, car vraiment pas envie de m'y arrêter non plus. Je me ferais donc ma LR à moi, c'est à dire rester en mer sans escales tant que je m'y sentais bien.
Avant de partir, j'ai vu deux dentistes, donc concernant les dents, j'étais tranquille. Il faut croire que le sort se soit ligué contre moi. Je ne souviens pas avoir eu un problème dentaire, ayant une hygiène dentaire rigoureuse. J'ai soupçonné une infection de la gencive. Mise sous antibios, mais le 2 ou 3ème jour, la douleur était vraiment plus forte ce qui m'a incité à faire escale ici. Et là, comme par magie, peut-être que les antibios ont fini par faire effet, mais plus aucune douleur ne subsiste. Pour me venger du sort, je fais une cure de caïpirinha (et merde, à chacun ses médocs) avant de prendre à nouveau la mer mardi ou mercredi.
Si les vents sont coopératifs, j'irai tourner autour de St Pierre et St Paul à 1° au nord de l'équateur. Puis, je m'arrêterai en Guyane, où j'ai passé dix ans de ma vie, revoir quelques copains.
Malgré tous ces déboires, Merlin est un bon bateau qui me donne toute satisfaction. Pas un foudre de guerre à trainer sa surcharge pondérale, mais les 48 jours et quelques 6000 milles à son bord depuis Lorient m'ont conforté sur un bateau très agréable à vivre et à naviguer quand on a pas l'esprit régatier.
Évidemment mes pensées vont aux copains toujours en mer. Pierre André qui fait un parcours remarquable et Alfonso qui suit son petit bonhomme de chemin. Nous étions à moins de 10 milles l'un de l'autre dans le pot au noir et en communication Iridium. Malheureusement nous n'avons pas réussi à communiquer par vhf.
Les autres copains sont partis et à tous je souhaite tous mes voeux de réussite. C'est une magnifique aventure.
Malheureusement, après avoir visité pas mal d'écuries de Port Vendres à Namur en Belgique, je n'ai pas choisi le bon cheval. Je n'ai pas de regrets car je ne pouvais deviner ces déboires. C'est ainsi...

Merlin le 30 septembre 2024

Certains pensent que j'ai eu raison d'arrêter la LR, d'autres que j'ai eu tord et d'autres encore que je n'ai pas eu les couilles pour continuer.
Pour étouffer dans l'oeuf toute polémique naissante, je suis descendu trois fois dans les 40e et 50e sud et sans avoir la prétention de les connaître, on ne va pas sous latitudes sans appréhension et surtout sans une confiance absolue dans son bateau.
Merlin est un bon bateau, mais un doute s'est insinué en moi en cours de route dans le poids du mât, lors de la descente des alizés de SE.
À partir de ce moment, il ne m'était plus possible de naviguer sereinement plus au sud. Lorsque l'on subit un violent coup de vent dans ces mers, la peur est suffisamment présente pour rajouter un stress supplémentaire en se demandant si le bateau va se redresser s'il se fait coucher par une déferlante de plusieurs mètres, s'il ne va pas continuer sa course plus bas à cause de sil ne va pas continuer sa course plus bas à cause de la courbe de stabilité qui n'est plus la même.

Au vu de toutes ces approximations, je reste persuadé que mon choix a été le bon. J'ai assez navigué pour n'avoir rien à prouver à
quiconque.
C'est la sagesse qui a dicté ma décision de mettre fin à ma LR et en cela, je la remercie.
Éric